Est-ce que vous constatez cela aussi ? Je ne souhaite pas vanter les mérites d’une crise dramatique et dévastatrice, mais, à écouter et observer les personnes autour de moi, je remarque quelques nouveautés. Un peu comme si l’extrême pression exercée par les circonstances extérieures accélérait la plasticité de nos vies. Bien sûr, il n’y a pas d’autre choix que celui de s’adapter. Résister, par les temps qui courent, ne mène pas à grand-chose de plus élaboré, si ce n’est augmenter la douleur. L’adaptation n’est plus une option. Comme un accélérateur de particules, la pandémie décape les comportements de surface, révèle les profondeurs, épluche nos habitudes, racle nos croyances et atomise nos projets. Soit. Rendus au cœur, que reste-t-il de chacun de nous ?
Et bien je vois que la révélation en cours nous montre l’essentiel, la moelle, le moi qui attendait son heure bien au fond de nous sans se manifester trop bruyamment. Il est là, il sort et prend sa place tout naturellement comme si c’était la moindre des choses et qu’il avait toujours eu droit de cité ici. À la bonne heure. Arrivera-t-on à lui conserver son périmètre au sortir de l’adversité ? Je le souhaite ardemment car nous l’avons cherché longtemps, ce serait dommage de l’enfouir à nouveau dès que nos vie seront revenues à la normale, si tant est qu’elles y reviennent.
Par contre, une difficulté supplémentaire a surgi du fait que le changement a eu lieu du jour au lendemain, et même pas tant ! Du matin pour l’après-midi. Passé le laps de temps de l’adaptation, qui génère du stress puisque c’est la définition même du stress : S’ADAPTER AUX CIRCONSTANCES, la place est prête pour la suite. Mais quelle suite ? Ce qui émerge spontanément du vide quand je l’écoute. Je ne parle pas de philosophie mais simplement, le matin, au réveil, qu’est-ce que j’ai envie de faire de ma journée ? Si je n’ai aucune contrainte, que mes conditions de vie, de santé, d’hébergement ne sont pas un stress imminent, qu’est-ce qui se manifeste ? Le vide ambiant, pour peu qu’il ne provoque pas de chapelets d’angoisses, est propice à trouver des réponses à ces questions, souvent étouffées par le brouhaha du quotidien et du mental en temps ordinaires.
Et si rien n’émerge, c’est parfait aussi, car les temps sont aussi prompts à nous culpabiliser, à nous pousser à rentabiliser l’expérience, à en sortir grandis, nourris, entraînés, nouveaux… Entre temps, nous aurons regardé cinq opéras, relu toute la collection des classiques, visionné la dernière série à la mode. Si nous en avons envie ! Si ce vide inspire du repos, c’est très bien ! S’il permet de la récupération de grandes dettes de sommeil, c’est déjà une manière de s’en servir adaptée pour convenir à chacun.
Simplement, quand je suis dans le vide, puisque je n’ai pas d’autre choix que d’y être, qu’est-ce que j’entends de moi ?