Une bonne semaine après le début de la « restriction des déplacements », le quotidien s’étire et change de forme. Nous vivons dedans depuis huit jours, avec plus ou moins de facilité. Nous pouvons expérimenter des petits dénis, comme lorsqu’un moment est agréable, le présent et le réel effacent le reste de la situation, qui revient à la conscience comme un jokari dès que l’on reprend pied avec les infos, les messages… Et nous donnent ainsi un va et vient surréaliste entre un microcosme protégé et une actualité chaotique.
Comment encaissons-nous de rester dedans ? Dedans, nous pouvons développer beaucoup d’activités, qui certes n’étaient pas au programme de cette semaine, mais on doit bien s’adapter, ma pauv’Lucette. Alors faites-vous partie de l’équipe nettoyage de printemps, élagage du jardin, vidage de placard, de garage ? Est-ce que rester dedans signifie la même chose que ne pas sortir ? Et le prenez-vous comme une contrainte imposée par l’extérieur qu’il est difficile de s’approprier ? Habituellement, considérons-nous l’extérieur comme un catalogue d’opportunités ou bien comme une menace, ou comme autre chose quelque part entre les deux ?
Et, surtout, quelles sont les origines de ces stress, ou pour trouver plus facilement la réponse à cette question, comment vous a-t-on appris à considérer l’intérieur et l’extérieur dans votre biotope d’origine ? L’intérieur était-il un cocon tiède et rassurant ou bien un marigot à fuir à tout prix ? L’extérieur était-il un gouffre à turpitudes ou un panel de possibilités juteuses ? Et bien sûr, toutes les nuances intermédiaires qui peuvent s’insérer entre toutes ces possibilités. Comme toutes les composantes de notre vie, ces liens nous ont été appris, ou plutôt montrés, par notre entourage dans l’enfance. Et ils ont pu évoluer pour être transmis différemment à l’adolescence. Alors toutes ces notions s’agitent en ce moment, car elles ont un écho puissant dans nos histoires à tous.te.s : « Reste dedans, dehors c’est dangereux ! », « Sors découvrir le monde, tu ne le connaîtras pas avec tes livres / ta télévision / ta console. » et j’en passe des meilleures. Si vous en avez à ajouter, vous pouvez le faire en dessous.
Le pire dans tout ça, qui sonne comme une injonction du siècle passé que nous pensions avoir évincée de notre vie, c’est que, aujourd’hui, la phrase « Reste chez toi c’est pour ton bien. » est, au vu des circonstances sanitaires, rigoureusement vraie, utile et même indispensable ! Nous n’avons eu de cesse de la combattre au long de notre enfance et notre adolescence, pour nous affirmer et construire nos références par rapport à l’extérieur, ce qui est le but du passage à l’âge adulte. Aussi nous pouvons avoir l’impression d’abdiquer maintenant, en acceptant le repli comme solution pour le futur. Nous avons heureusement évolué, et nous le faisons aujourd’hui par adhésion au projet de préservation de la santé du plus grand nombre et des plus faibles. Mais elle peut réveiller en nous une résistance à l’idée que l’extérieur est dangereux, et nous devons ouvrir une nouvelle case dans nos possibles mentaux et énergétiques pour permettre à cette actualité d’exister et de la traiter au mieux, j’entends par là en conscience et avec le moins de stress possible. De manière à tirer le meilleur de cette expérience, et en sortir, quand nous pourrons sortir, grandis, et riches d’un nouveau rapport intérieur-extérieur.